Anti manuel de savoir vivre à l’usage de ceux qui souhaitent se faire (fortement) remarquer au Japon.


Ainsi comme vadémécum pour le Japon, quelques commandements de bon aloi :
- Dans la rue, salement et partout, tu cracheras…(De l’hygiène)
Ainsi tu racleras ta gorge à tout bout de champs, disons tout coin de rue pour rester urbain, avant de déposer un molard gluant et glauque sur le rebord d’un trottoir ou la surface d’un quai de métro. Cracher te sera quotidien, au point qu’il sera indispensable à tes suivants de se munir d’un K-way à capuche pour éviter les embruns que le vent mauvais dépose parfois sur les visages peu avertis. 
Pour varier les spectacles de ton corps, offerts à tes semblables, tu prendras soin de te moucher bruyamment et en public, en agitant ton nez le plus ardemment possible. Si tu es assis quelque part, tu n’oublieras pas de laisser l’écrin où git ton ouvrage sur la table pour témoigner des sucs impériaux dont tes voies aériennes recèlent. 
Dans les WC publics tu feras parfois exprès de viser la lunette pour t’amuser avec le jet. Comme c’était déjà dégueulasse avant, tu ne vois pas pourquoi tu ferais des efforts. Y’aura bien quelqu’un pour nettoyer les chiottes à un moment où à un autre non? Et puis comme tu es un peu maniaque, jamais tu n’appuieras sur le bouton de la chasse d’eau, ni ne toucheras le manche de la balayette. Ils sont peut être humide de l’urine déposée par les mains des autres. Ce n’est pas de ta faute si tes contemporains sont des craspecs quand même!

- Tu n’hésiteras jamais à te laisser aller à des postures nonchalantes et outrées…  (De l’art de se tenir en public)
Dans les transports publics comme dans tout autre lieu. Les jambes allongées, les bras écartés, la tête recourbée. L’essentiel est d’être à l’aise blaise en tout lieu par tous les temps. De même si tu as la flemme, pourquoi te raser, t’apprêter et t’habiller convenablement le matin? Après tout, plus tu deviens misanthrope, moins le regard des autres ne t’atteint.
- Quand quelque chose n’ira pas comme tu le souhaites, il te seras loisible de vociférer à tort et à travers…(De la maîtrise de soi)
Et ceci contre celui que tu estimeras, grâce à la force de ton jugement, responsable de tous tes maux : la caissière d’un supermarché, ton voisin, ton prof, ou mieux « la société » en général…Il est évident que nous sommes entourés d’une infinité d’imbéciles qu’il faut bien secouer de temps en temps.
Bien entendu, si tu es mal luné, mal poilé et contrarié par quelque péripétie, tu enverras allégrement paitre ton interlocuteur.  Par exemple, tu ne diras pas bonjour quand quelqu’un entreras dans ta chambre, ton bureau, l’endroit où tu travailles. Tu bougonneras sans vergogne quand quelqu’un te demandera un renseignement ou un petit service qui visiblement t’emmerde.

- En public, tu parleras fort par mépris des autres…(De la discrétion)
Avec force indifférence et ignorance d’autrui, tu envahiras l’espace de logorrhées tonitruantes. Tu te sentiras libre d’agir comme tu le sens ; du moment que tu ne tues personne, pourquoi tu te ferais chier ?
Bien entendu quand ton téléphone sonnera, tu répondras en toutes occasions : dans la rue, dans une bibliothèque, dans un train etc. Il faut qu’ils voient tous que tu es quelqu’un qui a des potes et des meufs/mecs. Tu n’hésiteras pas non plus à te trémousser avec ton mobile en dodelinant de la tête, si possible en t’arrangeant pour qu’on voie autour de toi la marque de l’appareil. 
En voiture, tu rouleras les vitres ouvertes avec la musique la plus forte possible afin que les gens se retournent su ton passage en disant: “quelle paire de couilles, il écoute une musique de tueur! “
A pieds, tu n’hésiteras pas à dévisager certaines personnes : les gens qui ne sont pas comme toi, qui ne sont pas “de ton style”, voir les handicapés et les vieux, parce qu’ils sont faibles. 
Chez toi, à l’hôtel, tu brancheras ton iPod sur des enceintes à fonds. Tes voisins, ce sont trop des caves ces narvalos. En plus ils écoutent de la merde alors…

- En ce qui concerne les mots outils comme “putain”, “fils de pute”, “batard” ou autre, tu les utiliseras à merci…(De la politesse)
Pour bien montrer que tu ne te laisses pas faire et que tu n’es pas de ceux qui se font enculer…
Dans le métro, jamais tu ne te pousseras pour laisser descendre les gens quand la rame s’arrête. Non, tu te planteras en face des portes, pour être sûr d’entrer le premier. Ceux qui doivent sortir s’arrangeront. Bien entendu, tu bousculeras les autres, si besoin est, pour rester en lice en toutes circonstances. 
Si tu es commerçant, tu ne diras jamais cinq fois d’affilé “merci”. Une fois suffit. Voire pas.

- Les biens publiques tu maltraiteras sans vergogne. Cela ne t’appartient pas alors pourquoi s’en faire? (Des biens communs)
Il n’y a vraiment que les bouffons qui ont des scrupules de merdeux. Ainsi, tu mettras tes pieds sur les sièges dans le métro et les bus. 
Partout tu jetteras par terre tes papiers, canettes et autres. Après tout ils n’ont qu’à mettre des poubelles non? 
Pour prendre ta revanche sur les autres, tu n’hésiteras pas à montrer que tu existes et que tu peux impressionner qui tu veux. A la moindre occasion tu tagueras et maculeras au marqueur les murs. Dans les wagons des trains, tu donneras des coups de canif dans les fauteuils. Tu sauteras à pieds joints sur les bicyclettes attachées dans la rue pour le plaisir de détruire les biens de ces chacals.

- Les connards qui te font des réflexions tu insulteras (Du respect en général).
Tous ces vieux fachos qui te parlent de respect alors qu’ils ne te laissent même pas faire ce que tu veux, tu les pourriras verbalement voire même physiquement si tu es énervé. Pour qui ils se prennent ces bâtards?
Si tu es écolier, tu t’essuieras les pieds sur tes maîtres, qui ne sont que des trous du cul qui n’ont rien compris à la vie et qui s’prennent pas pour d’la merde en plus. Ils ont le culot de vouloir t’apprendre quelque chose et de prétendre restreindre ta liberté de faire ce que tu veux, par exemple envoyer des sms en cours ou ne rien foutre et tchatcher avec qui tu veux dans la classe.

- Les filles en mini jupes, tu importuneras sans cesse. Tu les siffleras par exemple, comme des chiens (Du respect des femmes).
Si tu es frustré de ne pas réussir à t’en faire une, tu traiteras les autres de putes. Après tout, ces biches, elles sont toutes sapées de manière provocante non? Si c’est pas des putes, c’est quoi, des salopes?
- Si tu peux enfler quelqu’un, un peu à gauche, un peu à droite, c’est toujours ça de pris (De l’honnêteté)
Une bicyclette dans la rue non attachée, une moto…et hop, c’est facile. Le métro? Pour resquiller, tu prends les tarifs enfants, ils vérifient jamais. 
Si tu es vraiment une graine de délinquant et que t’as envie de te défouler, tu pourras aller jusqu’à menacer ou tabasser quelqu’un dans la rue pour une clope, un lecteur mp3, un peu de thunes. Eventuellement, tu consens à le faire gratuitement de temps en temps, pour le plaisir.

- Ton chien tu sortiras sans laisse aucune, dans la plus parfaite indifférence aux autres. (Des animaux de compagnie).
Tu laisseras vaquer ton Pitt Bull sans aucun contrôle ni retenu pour montrer à tes semblables comme tu es incroyablement génial et ô combien valeureux de posséder un tel trophée. Bien entendu, tu siffleras et hurleras à gorge déployée son nom dans les rues pour que chacun sache que ton molosse s’appelle Attila ou Brutus et que donc toi même tu es une personne exquise dont le bon goût incontestable aurait fait rougir la cour de Versailles au temps de Marie Antoinette.
Les défécations de ton animal de compagnie tu imposeras à tes voisins car marcher dans la merde du pied gauche est une opportunité dont tu te dois de les laisser profiter. Jamais tu ne ramasseras le frolic digéré et tu n’essaieras pas même d’être discret quand ton idole à quatre pattes en lèvera une au milieu d’un trottoir. Qui n’a pas compris que les chiens valent autant qu’un humain, et même mieux, devrait être pendu par les couilles.

- Si tu es en voiture, tu te gareras sans état d’âme en double file… (De la circulation)
Notamment si tu as vu un pote sur le trottoir et que t’as un truc à lui dire, où si tu dois acheter des clopes au tabac….
Tu klaxonneras pour un oui ou pour un non, notamment la nuit puisque ces enculés, ils n’ont qu’à pas habiter en centre ville quand même, de quoi ils se plaignent?
Si tu es piéton, tu traverseras au rouge parce que t’en a marre d’attendre depuis deux plombes alors que y’a pratiquement pas de bagnole. C’est débile d’attendre alors qu’y a rien!

- Tu mangeras un peu n’importe où, parfois en marchant, tant pis pour les feuilles de salades qui tombent des sandwichs… (Des repas).
Et surtout tu mangeras mal fièrement : un coca main gauche, une grande frite main droite. Le tout avec un regard profond.
Evaluation des résultats
Quiconque verrait dans cet anti manuel du Japon, un manuel pour vivre dans la France contemporaine serait bien mal renseigné.  En revanche, si tu suis attentivement tous ces conseils, alors tu seras un parfait anti japonais à Tokyo. Tu n’auras effectivement rien compris au Japon, rien entendu  à l’ordre qui règne ici et tu te feras remarquer. Mais puisque les  japonais sont doués d’une subtilité toute japonaise, Ils ne te feront pas sentir qu’ils t’ont remarqué! Merde alors.
Effectivement, les japonais sont des gens extrêmement propres, polis, honnête, respectueux des autres, organisés….Ainsi, ils ne crachent pas (enfin plus); disent cinq fois merci quand on leur achète quelque chose; laissent leur vélo sans cadenas en plein Tokyo sans crainte d’être volés; sont d’une grande discrétion; il n’y a pas un tag à Tokyo; ni quelqu’un pour vous toiser du regard. Les filles sont respectées et peuvent se balader à n’importe quelle heure dans n’importe quelle tenue.
Bien entendu, derrière cette vitrine se cachent d’autres vices : la mafia des yakusas, la corruption, le consumérisme à outrance, l’introversion, la frustration, une certaine violence larvée (dans les mangas, la pornographie, les affaire de mœurs…). Certains sont peut être prisonniers d’une austérité de vie triste et lénifiante, d’un certain conformisme, du poids sclérosant des hiérarchies… D’autres se réfugient dans une fascination pour le morbide, l’obscène, le transgressif et l’anéantissement. L’Homme reste l’Homme !
Que peut on dire vraiment des japonais? Une phrase d’Alan Booth me revient, tirée de son récit de voyage, les chemins de Sata, publié chez acte sud en 1985, fruit de 5 mois de marche du nord au sud du Japon : « Je me suis efforcé d’éviter toute généralisation du type, les japonais ceci, les japonais cela. Les japonais sont au nombre de cent vingt millions, ils ont entre zéro et cent dix-neuf ans, vivent dans un pays qui s’étend sur 21° de latitude et 23° de longitude où ils exercent les professions les plus diverses, depuis celle d’empereur jusqu’à celle de guérillero urbain ». 
Cependant, il est légitime de tenter d’établir le profil commun, les grandes lignes collectives, qui au delà de la diversité des individus caractérisent un groupe humain.  Anthropologiquement, culturellement, géographiquement, historiquement, les peuples existent et se différencient. Ainsi oui, les japonais sont indiscutablement, les exceptions confirmant la règle, un peuple raffiné.
Je sens que je deviens japonais ! Au fait, j’ai quelques consoles Nintendo tombés du camion à refourguer…Ca intéresse quelqu’un?

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