Cédric et Loïc sont français tendance nipponomaniaques et tous
les deux sur le point d’immigrer au Japon. Je les rencontre un midi à la
réception de ma guest house. Ils parlaient français. Salut les gars…ça
va ? Après quelques mots seulement, rendez vous est pris pour une
sortie chaotique dans l’électrisée Shibuya, éternel repaire des noctambules
d’Edo/ Tokyo.
Loïc est un personnage un peu atypique de 22 ans. Dans les
années 70 il eusse été blouson noir à coup sûr. Assez balaise, les cheveux
blonds, des manières un peu brusques, un langage direct un peu rugueux, des
yeux de fous et une sensibilité enfouie qui n’ose pas trop s’afficher. Loïc est
dingue de culture japonaise. Au premier
abord, je trouve cela presque contradictoire avec sa personnalité. Mais je sais
trop qu’il ne faut jamais se fier à la
première impression, paradoxes vivants que nous sommes tous. Derrière sa façade
un peu butor, on sent une intelligence un peu torturée. Après deux ans d’études
en fac de japonais à Strasbourg en dilettante, Loïc a choisi de venir vivre au
Japon pour travailler, perfectionner son niveau de langue et retrouver sa
copine nippone, rencontrée en France, avec laquelle il veut se marier. Enfin,
peut être…A Tokyo depuis 2 jours, il a déjà fait la connaissance de Cédric,
dans la rue en plein Shibuya. Ce soir,
c’est sa dernière nuit dans la capitale ; ensuite il prendra le train
demain pour le Kansai en direction de sa nouvelle vie. Sa migration au Japon
l’angoisse ; son mariage aussi ... Ce soir, il veut une bonne dose
d’insouciance avant que sa vie ne bascule.
« Et les gars, c’est quelle chemise qui me va le mieux ? Celle là ou la
noire ? »
— La noire ».
C’est vrai qu’elle lui va bien. Pas très sûre de lui Loïc ; je trouve ça
plutôt touchant. Il veut boire, boire, boire et en me montrant son ventre, il
exulte : « c’est pas un foie que j’ai là, c’est une machine ! Je
peux boire tout ce que je veux, je ne suis jamais malade ».
Cédric a un tout autre profil. À 27 ans, il vient de faire le point sur sa vie
parisienne. Ingénieur en informatique chez E., une des plus grosses boites de
service dans le domaine en France, il ne supporte plus la rengaine du quotidien.
Ses dernières histoires d’amour se sont éteintes dans le flou et ont achevé de
le décider à tout plaquer. Dernièrement, il était avec une parisienne parisianiste, qui considérait sa
relation avec lui du point de vue de son agenda. Il fallait presque prendre
RDV. Finalement, il s’est dit, alors qu’il avait peu voyagé jusque là, qu’une
plongé dans l’inconnu lui ferait le plus grand bien et le réconcilierait avec
le destin dont la trace semblait perdue. Passionné depuis des années par la
culture japonaise, il a naturellement opté pour le Japon pour se lancer dans le
challenge d’un nouveau départ.
Cédric est plus pragmatique donc, plus posé, moins impulsif que Loïc. Je lui ai
trouvé un air un peu plus détaché. « A Paris, je n’étais rien ou presque ;
ici je serai un peu plus », me dit il. Effectivement, au Japon, un
occidental est vite remarqué. A priori, les japonais nous considèrent, au moins
par politesse. Pourtant si Cédric compte sans doute s’installer à Tokyo, il
n’est encore qu’en voyage et doit rentrer en France prochainement pour préparer
sa nouvelle vie et régler certaines affaires. Et puis bien sûr, il y a la
question de l’emploi. Vivre au Japon quelques mois en working holiday est une
chose. S’intégrer dans la société japonaise en est une autre…
Nos langues et nos vies se délient peu à peu autour d’un bref encas dans un
snack. Peter, un anglais de l’auberge, s’est joint à nous. Il avale un
hamburger énorme que j’hésiterais à donner à des carpes. Peu à peu, je fais
plus ample connaissance avec mes comparses de la nuit. J’en apprend pas mal sur
les raisons et les aspects de leur intérêt pour le Japon. Avec eux, je plonge
dans un univers dont je méconnais bien des facettes : l’univers de la
nipponomanie.
Ma connaissance de la culture japonaise était alors plutôt traditionnelle car à
ce moment là, je découvrais le Japon et n’y avais pas encore vécu. En matière
de cinéma, j’avais vu des films d’Oshima, Kurosawa, Ozu, Imamura…immenses
artistes des années 50 à 80. Outre les sept samouraïs de Kurosawa, chef d’œuvre
génial qui cristallise tant de choses du Japon, l’empire des sens, un grand
classique, m’avait marqué quand j’étais ado. Un film sur la passion : une
folie amoureuse entre un homme et une prostituée. Il ne se quittent plus,
baisent toute la journée et finissent par s’anéantir. Elle lui coupe le sexe,
violence inouïe qui l’empêchera à jamais d’aller voir ailleurs. J’avais aimé l’extrémisme
de ce film qui correspondait bien à ma
conception de l’amour à cette époque. En littérature, j’avais aimé Kawabata bien sûr dont j’avais lu un des opus
adolescent, Kyoto selon le titre
français, the old capital dans la
traduction anglaise . Je me rappelle les évocations des jardins de la ville
impériale, les considérations sur les saisons…Bref une œuvre marquée sans aucun
doute par l’esthétique Wabi Sabi, un
concept japonais qui signifie tout à la fois raffiné, dépouillé, mélancolique
et qui imprègne tant d’œuvres et de créations traditionnelles, de l’art
des jardins à la décoration intérieure
des maisons et des temples.
A la bibliothèque d’Hibiya, j’ai commencé à lire je suis un chat de Natsume, début 20ème, un monument de la
littérature nationale, comme l’est le Bochan,
du même auteur. Je me penche aussi sur le plus ancien des romans japonais,
écrit au 9ème siècle par Murasaki Shikubu, le Genji Monogatari. L’œuvre retrace
la vie hédoniste et interlope d’un prince de la cour de Kyoto à la grande
époque d’Heian.
En poésie, il y’a surtout Basho, le plus fameux des auteurs de Haïkus, genre né
au 17ème siècle dont les poème ne comptent que 18 syllabes et sont destinées
à procurer une vision brève d’un pan de la réalité passé au filtre de la
sensibilité du poète ainsi qu’une émotion intense aux lecteurs. Les thématiques
des Haïkus tournent toujours autour de la nature. D’ailleurs on les qualifie
parfois de Setsu Getsu Ka, terme
emprunté au chinois mandarin ancien qui signifie « neige, lune,
fleur », comme me l’a expliqué un littérateur japonais dont j’ai fait la
connaissance. Derrière la neige, l’eau ; derrière la lune, l’air ;
derrière la fleur, la terre. Les Haïkus sont ancrés dans les éléments. Les sentiments
de l’auteur ne sont presque jamais exprimés directement en revanche mais se
devinent en filigrane. « Je suis un
peu ivre de saké et les feuilles tombent des arbres. » dit l’un
d’entre eux.
Enfin, en ce qui concerne les estampes, joyaux de l’art japonais, j’apprécie
surtout Utamaro ou Hokusaï, l’auteur de la série des fameuses vues du Mont Fuji dont de la fameuse vague.
Les goûts de mes interlocuteurs sont plus contemporains : Takeshi Kitano et
Takeshi Mihiké dans Ichi the Killer
par exemple pour le cinéma. Mihiké est un auteur trash qui plait à Loïc.
Lui-même tourne des courts métrages notamment à l’aide d’une caméra DV
transformé par ses soins pour donner l’illusion du grain argentique et des
profondeurs de champs des caméras 35 mm, grâce à une habile simulation des
flous que font les vrais caméras en arrière plan de la focale. Cédric lui me
conseil de lire Ryu Murakami, friand d’univers glauques, dans Miso Soup par exemple ou encore Haruki
Murakami dans Kafka sur le rivage, et
bien sûr des mangas. Je ne connais
presque rien au sujet en fait.
Les mangas font partie de ce qu’on appelle parfois la pop culture japonaise, par opposition à la culture traditionnelle.
Quand les japonais traduisent manga en anglais, ils disent comics, c'est-à-dire bande-dessinée en français. Apparus dans
l’hexagone surtout à partir des années 80, de plus en plus d’opuscules sont aujourd’hui
traduits et publiés sous forme d’albums, en général dans une bonne qualité
d’édition. Au Japon, les mangas sont imprimés à la chaine dans des version de
poche en papier journal, ou dans des revues qui proposent des feuilletons à
suivre. Parallèlement sur Internet, on assiste à un véritable phénomène: des
sites de fans proposent des scans de mangas nippons traduits en français de
manière artisanale et non publiées en France. Les mangas ciblent généralement
un public particulier. Il y a ceux pour filles, pour lycéens, pour
adultes ; les mangas pornographiques, et même des mangas pédagogiques sur
tous les sujets imaginables.
Après
notre discussion, je suis allé jeté un œil dans le fameux Naruto. Naruto, tourbillon
en japonais, est étudiant dans une école de Ninja. Il fait bêtises sur bêtises
et se bat contre une galerie de monstres hideux. Voilà le thème général de la
série. De mon point de vue, rien de bien convainquant dans les canons du
Manga : les dessins, toujours en noir et blanc, ne me touchent pas. Les
textes des phylactères sont squelettiques, le scénario est extrêmement dilué,
et pendant plusieurs pages, on peut avoir des variations répétitives de la même
idée. On comprend pourquoi les japonais lisent les mangas très rapidement. Dans
le métro, j’ai été plusieurs fois surpris de les voir tourner les pages aussi
vite. Les mangas font toutefois office de révélateur des problèmes de la
société japonaise. Des histoires de garçons brimés dans les internats ;
des histoires de filles qui dépriment en rentrant des cours ; des
histoires de robots et de fantasmes technologiques. Il y a souvent un humour
particulier, un peu grotesque, un peu vaseux. A vrai dire, je me suis senti mal
à l’aise au point de faire la mou. Bref, j’ai reposé mon Naruto…
Il y’a un autre phénomène largement mondialisé dans la pop culture nippone : les animes selon le terme en usage, ou japanimation, selon le mot utilisé parfois en France. Il faut
comprendre simplement ‘dessin animé’. Basés sur un manga ou sur une idée
originale, un anime peut être destiné à la télévision et se décliner dans des
séries de dizaines voire de centaines d’épisodes. D’autres sont publiés
exclusivement en vidéo (VOD) ou son destinés au cinéma. Dans tous les cas, il y’a beaucoup de piratage sur le net ou de
publication des épisodes en streaming,
sur les sites de stockage de vidéos comme youtube.
Depuis le Goldorak, il y’a eu une floraison énorme d’animes. Aujourd’hui mes goûts vont plutôt vers les anime destinés au ciné, très présents
dans les quelques salles obscures nippones qui n’ont pas fermées. Parmi les must, on peut citer Akira, un des premiers chefs d’œuvre de la catégorie à avoir percé
en France, ainsi que les animes de
Miyazaki qui a pris la relève avec des chefs d’œuvres comme le voyage de
Chihiro. Ici l’anime devient une
véritable œuvre artistique.
Enfin, les nipponomaniaques se délectent aussi des ‘dramas’ japonais,
c'est-à-dire les feuilletons télés, les telenovelas
locales, presque inconnus des profanes en France. Il faut aller les chercher
sur le Net où on peut trouver encore et toujours des versions piratées et sous
titrées en français. Les histoires et le jeu des acteurs sont, sans mauvaise
foi, souvent empreinte d’une mièvrerie qui peut franchement agacer et mettre
mal à l’aise…
La musique japonaise, est aussi réservé aux aficionados. Un univers très
nippon, peu exporté, bien qu’une certaine mode assez ciblé s’en est emparé en occident.
La musique traditionnelle quant à elle, monodique et sans harmonie, existe
encore mais est souvent réservé aux festivals traditionnels, les Matsuris ou aux fêtes collective et
rurales. Elle a aussi ses salles spécialisées. Dans la vie quotidienne, on
entend très rarement le Taiko et le Shamizen,
tambour et instrument à cordes traditionnel. En fait, au Japon, les
musiques omniprésente son importés de l’ouest, les japonais connaissent tout ce
qui existe chez nous, d’Edith Piaf à Tupac, d’Astrud Gilberto à Bob Marley .
Ils imitent toutes les musique nées ailleurs. Rock, Pop, Jazz, Salsa, Samba,
Rap, RnB. Il existe des groupes qui composent écrivent et interprète dans tous les genres. Bien sur, il y’a une
patte nippone dans tous ces ersatz : la sonorité de la langue notamment.
C’est parfois bien fait, parfois un peu limite. Voir des japonais déguisés en
rappeurs de Los Angeles et adopter exactement leurs attitudes parait tellement artificiel
et maladroit, si antinomique avec l’ambiance du Japon…La musique qui s’exporte
le plus toutefois est sans doute la pop japonaise, une pop qui emprunte aux
Beatles, à Blur et Oasis. Ces groupes sont parfois dits ‘visual key’tant les tenues ou l’apparence des musiciens est soignée
et apprêtée. Il faut que le groupe soit visuel pour que cela marche.
Comme partout cependant, les modes musicales sont aussi des produits commerciaux
très étudiés et ciblant une certaine classe d’âge. Il y’a toutefois des groupes
mythiques, qui font presque l’unanimité par leur rôle dans l’histoire des
musiques japonaises, Mister Children ou Thousand All Star par exemple. En
revanche, beaucoup de groupes de pop visual key sont des groupes à filles…qu’on
aurait appelé « boys band » en Europe dans les années 90. Même si
l’attitude des artistes est conçue de façon totalement opposée. Le visual est
un peu torturé, romantique, cheveux au vent alors que le boys band européen
était athlétique, frimeur et beauf.
Comme toujours, ces modes sont aussi connotées socialement. Dis moi ce
que tu écoutes et je te dirai combien d’années tu as passé à la Fac.
L’aimant nippon…
Jacques Chirac était lui-même nipponomaniaque. Passionné de Sumo et de femmes,
il s’était dégotté une hôtesse de l’air japonaise dont il a eu un enfant. Un
secret de polichinelle. Le rapprochement franco japonais a pris corps.
La culture généralement fait le nipponomaniaque. Sumo, art, langue, état
d’esprit, manga…Beauté des femmes…Il y’a bien des raisons possibles pour un
français de venir au Japon.
S’y installer pou de bon est une autre paire de manche. Quand on a moins de
trente ans, on peut obtenir facilement un visa de travail étude d’un an. Sinon la
chose est plus complexe bien que
possible. Ici l’immigration est très contrôlée et, à moins de se marier, il
faut trouver un employeur qui accepte de sponsoriser un visa travail. Chose de
plus en plus difficile compte tenu de la crise économique. Contrairement au
professeur d’anglais à qui on fait des ponts d’or, les professeur de français
sont désormais en surnombre. Reste encore une chance aux pâtissiers,
boulangers, esthéticiennes, ingénieurs et bien sûr aux expatriés qui ont la
chance d’être envoyé au soleil levant par leur entreprise ou leur administration…
Lâché de français sur Shibuya.
Aimer le Japon, c’est aussi en aimer sa nuit. Le plan de ce soir, le Pure est
une boite Hip Hop assez connu à Tokyo. On ne tarde pas à trouver. Un escalier à
descendre. Un videur tatoué, un français, qui ressemble à Kool Chen de NTM. A
l’intérieur, pas grand monde. Il est encore tôt. On s’approche du comptoir.
Soirée open bar ce soir. Le Barman est tatoué, japonais lui. Un
Yakusa ?
Au Japon, le tatouage est réservé aux Yakusas, c'est-à-dire aux mafieux nippon.
Loïc m’explique deux trois bricoles sur ces catégorie très spéciale de la
population japonaise. Il me dit qu’il est fasciné par cette gente…Lui aussi est
tatoué, sur les pecs, ce qui lui vaut d’être interdit dans tous les lieux
publics où on doit se déshabiller, piscine, sources thermales et autres, comme
les vrais Yakusa, persona non grata…
Loïc enchaine verres sur verres. C’est clair qu’il boit pour boire. La musique
n’est pas encore trop forte.
- Pourquoi tu bois autant ?
- Sinon je n’ose pas parler aux filles,
Il est encore jeune, 23 ans, mais je n’en reste pas moins
étonné…Ce mec est plutôt une force de la nature, baraqué, beau gosse avec ça et
surtout très intéressant, beaucoup de choses à dire. Et il n’ose pas. Quand je
pense à tous les caves que j’ai rencontré dans ma vie, avec des gueules plus
grandes que la tour Effel et un QI de 2 qui fonçaient et arrivaient à leur fin.
En fait j’ai très souvent remarqué que la beauté, l’intelligence, la
sensibilité, la qualité de l’âme allaient souvent de pair avec une certaines
discrétion, une timidité, voire même un manque d’assurance. Les plus brillants
sont souvent loin d’être les plus tapageurs.
On se marre bien mais l’ambiance est un peu triste en fait. On sent une
tension. Beaucoup de mecs, un peu trimards, et quelques nanas, pas assez
nombreuses, pour équilibrer les énergies. Les mecs qui sont là donnent
l’impression d’une meute de chacals maladroits. Tout ça respire la frustration
et sent le renfermé…J’ai vu nettement mieux dans la nuit Tokyoïte.
L’endroit se rempli, on va sur la piste. Un japonais sympa danse le hip hop
pour flamber mais avec un bon état d’esprit. On discute avec quelques filles.
J’échange aussi quelque mots avec un type qui m’a entendu parler français, H,
qui est à Tokyo pour le business. Pas une lumière…Il vient de danser avec une
fille qui l’a collé un peu et me dit tout net : « c’est une s je vais
la b ». Le genre de phrase rédhibitoire. Pauvre imbécile. Pourquoi une
fille qui tomberait dans ses bras serait elle une salope et lui un héro ?
On pourrait aussi renverser la chose. C’est dingue comme les gens se prennent
la tête avec le sexe alors que finalement c’est tellement simple et naturel.
Pourquoi salope ? Pourquoi aimer l’amour serait il un défaut ?
L’humanité aurait bien besoin que les gens fassent l’amour plus que la guerre.
Evidemment, elle s’est débarrassée de lui en quelques minutes. Il est venu me
voir désœuvré : viens on va s’asseoir pour parler…Désolé mec, j’ai envie
de rester debout…Des filles se la jouent comme dans les clips de Rap Us ;
déflagration d’égo et de spontanéité, trop longtemps contenu sans doute dans la
cocotte minute de leurs vies.
La soirée avance mais l’ambiance ne décolle pas vraiment,
reste sans plus. On va changer
d’endroit. Loïc est déchainé. Dans les rues, il joue à faire des petits cercles
avec un parapluie désossé qu’il utilise pour faire peur aux corbeaux qui trainent
encore sur les trottoirs. Il est fasciné par ces oiseaux, se tord vers eux.
Tout en parlant à moitié aux noctambules dispersés qui serpentent, nous prenons
la direction le Gaz Panic, sur la grande artère de Shibuya. Il n’ est pas loin
de 5 heures. On monte vers la boite minuscule sise au premier étage d’un
immeuble. Mais la nuit s’éteint peu et à peu. C’est l’heure de se remplir les
barriques. Tous les petits boui-bouis du quartier vibrionnent à cette heure. On
s’engouffre dans le premier Yoshinoya venu, cette chaine de fast-food nippon
qui propose des plats trads simples, souvent de la viande sur du riz. Pour moi,
je prends une tranche de saumon, un bol de riz et une miso soup, petit dej
classique ici. Les gens silencieux et fatigués, surexcités et bruyants sont au
coudes à coudes sur les comptoirs en U qui entourent les cuisines. Le spectacle
des cuisiniers devant nous finit de nous hypnotiser. J’ai l’impression d’avoir
couru un Marathon. Ma pensée est ralentie, ralentie, ralentie. Le riz dans la
bouche me suffit. Il est sept heures.
Loïc veut encore errer dans les rues de Shibuya. Il est du genre à
rester debout jusqu’à s’écrouler. Danse mec, triture le bitume, ton âme et
celles que tu croiseras. Cette vivacité me plait mais Cédric et moi nous
raccrochons, épuisés. Dans le métro, somnolence. Envie de se laisser faire par
le doux bercement de la rame qui semble flotter sur ses rails comme sur du
coton. Si confortable métro nippon, propre, éclairé, doux…et cette petite voix
féminine qui annonce les stations qui défilent, défilent, déf…
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